Lettre à Mr Sarkozy....pas très originale!

Publié le par Nelsy

Mr le président,

 

Si je vous écris cette lettre ce n'est pas pour vous parlez des retraites, ni même des roms ou des gitans et encore moins pour me prendre pour Boris Vian car je suis loin de déserter. Non  si je vous écris cette lettre, c'est que suis bien là, ancrée dans la réalité, ancrée dans le quotidien. Tiens parlons en justement de ce quotidien. Juste des jours qui passent simplement.

 

Mr le président, je suis professeur des écoles. C'est ma première année d'enseignement en tant que titulaire. J'ai eu une formation, j'aime mon métier, j'avais la vocation comme on dit. Je vais au travail tous les jours avec le sourire, j'aime mes élèves, je prends beaucoup de plaisir. Je n'estime pas être sous payée, je pense même que je suis une privilégiée à faire ce métier. Je ne vous parlerai pas de révalorisation de mon métier, car le regard des autres je m'en fous, je sais mon investissement et mon amour envers les enfants.

 

Laissez moi vous parler de mes élèves.

Bienvenue Monsieur le président dans ma classe de CP/CE1, classe numéro 14 au premier étage, entre la salle informatique et la classe de CE1/CE2.

Nous sommes chanceux car reconnu comme ZEP,ils ne sont que 22 élèves, j'ai le temps de les connaitre tous. Au premier rang, vous trouverez le petit A. qui a encore du mal à écrire, l'an dernier il n'était pas encore propre et pourtant il est en CE1. Cette année il va beaucoup mieux, il est pris en charge par un psychiatre. Sa maman est venue me voir hier, elle est contente, il arrive à écrire la date seul...mais elle est inquiète car bientôt elle n'aura plus droit aux aides sociales donc elle ne pourra plus payer les frais de psy pour A. Elle m'a demandé quoi faire, nous allons trouver une solution avec l'équipe pédagogique j'en suis sure.

 

Juste derrière, il y a Ab.,il est épileptique. Il doit manger à heure régulière pour ne pas faire de crise. Il me fait rire, car nous avons mis les gouters dans la classe et il fait son malin car il a le droit de manger en travaillant. Quelle fierté! Il a ce moment où il se sent un peu spécial. Mais il a des difficultés, il a déjà redoublé, a une AVS, et une cousine qui parle français et qui m'a demandé des livres pour le faire lire tous les soirs. Il se bat, contre la maladie et pour le travail. Il m'a demandé hier, s'il travaillé assez bien pour être mécanicien, s'il serait assez intelligent pour ça. Quand je lui ai répondu que s'il continuait à travailler dur comme ça, ça devrait marche, il a souri toute la fin de la journée!

 

Haaaa nous arrivons à la petite Ka.. Je dois l'avouer c'est ma chouchoute. Très responsable, toujours souriante et très rigolote. C'est elle qui écrit les leçons et les devoirs pour A. Avec Ti., ils sont souvent "petit maitre" et "petite maitresse". Ils aident les élèves en difficultés à faire leurs exercices, ou bien ils font l'appel ou bien ils me font penser à ce que j'oublie. J'aimerai tant qu'ils fassent de grandes choses, pour Ti. tout est possible, c'est le fils de la maitresse de la classe d'à côté, elle le pousse. Pour Ka. c'est une autre histoire, c'est une fille musulman, je ne sais même pas si elle ira au collège un jour....

 

Pas loin derrière, il y a Clé., hier je lui ai demandé s'il continuait à aller chez l'orthophoniste, et il m'a répondu : "oui maman elle a beaucoup de chéris en ce moment, alors on a des sous."...Je crois que cela se passe de commentaire.

 

Je vous passe, tous les autres qui ne sont pourtant pas moins important mais j'ai peur que vous croyez à une classe "à problèmes" comme on dit. Ne croyez pas ça c'est une classe commune, une classe comme une autre.

Alors moi je m'y fais, je les aide comme je peux. J'ai ma vie à côté d'eux, je suis amoureuse, j'ai un logement un bon salaire, je ne me prive de rien. Je me dis que déjà s'ils viennent à lécole avec plaisir et envie, j'ai réussi une partie de ma mission. Puis petit à petit je me forme, parfois seule, parfois avec les partenairs sociaux, souvent avec l'aide des collègues. Je ne m'en fais pas pour moi. C'est pour eux que je m'en fais. Tout n'est pas possible pour eux, ils sont nés sous la mauvaise étoile. Si moi je suis formée à ça, eux, ne le seront jamais.

 

Je ne vous demande pas d'augmenter les aides sociales ça ne servirait à rien, je ne vous demande pas non plus de les sortir de la cité ou même de les renvoyer chez eux ça ne servirai à rien non plus. Non, je vous demande de vous rendre compte de l'investissement rentable que peut être l'éductaion. Un éducateur avec moi en plus dans la classe qui aiderait Ab. et Clé. et qui pourrait leur accorder du temps privilégié, ça ferait surement deux chomeurs en moins. Une institution qui accepterai A. sans mille et une paprasses et qui l'aiderait, ça serait comblé le trou de la sécu car plus besoin  de psy.

Aujourd'hui j'ai droit à 37.50 euros par enfant et par an. Mon budget est à 0. Entre les craies, les cahiers, les stylos,un ou deux livres, et une horloge neuve, il ne me reste plus rien. 

 

Alors moi je les vois juste un an, autant dire un rien. Je les aide, je les aime puis je passerais à une autre classe, avec d'autres enfants. Chaque année je garderais quelques visages, mais pour moi ils sont de passages.

Mais eux ils sont français, ils ne sont pas passager dans notre beau pays. Combien nous couteront-ils plus tard? Surement plus que ce que vous pouvez investir ici et maintenant. Car laisser moi conclure par une formule un peu mélo mais qui sera surement mon crédo :

 

Car c'est ici et maintenant que l'avenir de la France se joue, à l'école nationale publique gratuite et laïque.

 

Cordialement,

 

Melle Nelsy.

Publié dans société

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M
<br /> Bravo p'tite Nelsy pour cet article réaliste et touchant. J'espère que tu as vraiment envoyé cette lettre à Sarko car elle mérite d'être lue par le plus grand nombre !<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Merci pour cet article. En ces temps où certains crachent leur mépris pour ceux qui n'ont pas la chance d'avoir un avenir doré, ca fait vraiment du bien. Et en plus vous êtes instit, ca me fait<br /> vraiment plaisir :)<br /> <br /> <br />
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A
<br /> J'ai les élèves en "bout de ligne", je suis prof en lycée professionnel, je ne sais pas comment décrire la situation, "affligeante, désespérante, triste" je ne sais pas...<br /> <br /> <br />
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